Il y a sept ans, le 29 mai 2005, notre peuple rejetait à 54,5 % le traité constitutionnel européen. Tous ceux qui composent aujourd’hui le Front de gauche étaient de ce combat. Après un examen approfondi du texte qui nous était proposé, nous estimions en effet :
- qu’il ne démocratisait pas les institutions de l’Europe ;
- qu’il n’autorisait pas de véritables alternances politiques, puisqu’il les encadrait dans des contraintes telles qu’elles seraient condamnées à ne porter que sur l’accessoire ;
- qu’il ne permettait pas de rééquilibrer l’Europe dans un sens plus social, vue que toute harmonisation sociale par le haut était interdite dans le texte ;
- qu’il ne faisait aucunement émerger une Europe politique : l’élection d’un Président du Conseil, loin de donner un visage à l’Europe, allait encore accroître la complicité institutionnelle, puisqu’à ces côtés le président de la Commission européen et le président du pays membre qui présiderait l’UE pour six mois en vertu du système (maintenu) de la présidence tournante, devraient coexister dans l’usine à gaz que l’on nous vendait. Quant au ministre des Affaires étrangères, dont le poste était également créé, il nous semblait condamné à l’impuissance ;
- que loin de résister aux effets déstructurants de la mondialisation néolibérale, les dispositions économiques contenues dans le traité allaient les accélérer et traduisaient donc pour la gauche, qui les acceptait, un renoncement terrible.
En érigeant comme objectif de l’Union européenne, le principe de « concurrence libre et non faussée », le projet de Constitution européenne instituait une société de marché. Il ne manquait dans le texte aucun des dogmes de l’idéologie libérale : monétarisme, indépendance des institutions financières, ouverture des marchés, libre-échangisme, libéralisation à outrance, etc. Toutes les politiques qui avaient déjà généré un chômage massif, la précarisation des emplois, les délocalisations, la course au dumping fiscal, une répartition toujours plus inégalitaire des revenus du travail et du capital, ainsi que le démantèlement des services publics étaient non seulement reconduites mais gravées dans le marbre d’une « constitution ». Elles étaient même aggravées dans certains domaines, comme celui de la politique commerciale commune.
Fort de ce constat, les plus lucides d’entre nous prédisaient même (au printemps 2005 !) que l’ensemble de ces règles contraignantes conduirait l’Europe à l’impuissance en cas de crise économique grave. On voit ce qu’il en est aujourd’hui. Sur tous les points que j’ai cités, les faits nous ont donné raison.
Car malgré notre vote, malgré le « non » des Néerlandais, l’ensemble des dispositions que nous critiquions ont été mises en œuvre. Sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, un nouveau traité, le traité de Lisbonne, en tous points semblables à celui que nous avions rejeté, a été rédigé et ratifié, sans référendum cette fois, grâce à la complicité active de très nombreux parlementaires socialistes, radicaux de gauche et Verts. Sans leur abstention (qui était la consigne de vote donnée par François Hollande, alors patron du PS) ou le vote « pour » de certains d’entre eux au congrès à Versailles, le 4 février 2008 (voir le détail du vote ici), le traité de Lisbonne n’aurait pas pu être adopté.
Alors que nous procédons au renouvellement de l’Assemblée nationale dans quelques jours, il est bon de se souvenir des députés qui ont ainsi bafoué le vote majoritaire des électeurs du 29 mai 2005. Le récent vote parlementaire sur la ratification du traité instituant un Mécanisme européen de stabilité (MES), sur laquelle les parlementaires socialistes se sont platement abstenus, a rappelé que ce n’est pas sur eux qu’il faudra compter pour s’opposer au carcan austéritaire dans lequel les marchés financiers veulent enfermer les Etats membre de l’Union européenne.
Pour cela aussi, il faut envoyer à l’Assemblée nationale un maximum de députés du Front de gauche.
Nous sommes d’ailleurs les seuls à réclamer l’organisation d’un référendum sur le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’union économique et monétaire (TSCG), appelé « traité Merkozy », dont la ratification nous condamnerait à l’austérité à vie.
de la part de Bernard HUTIN.